Exposition personnelle -
STEVIE DIX
BESIDE OURSELVES
Du 14 septembre au 23 octobre 2022
Vernissage le 15 septembre 2022 de 18h à 21h
Un dimanche à la galerie, dimanche 16 octobre
« Ancrées dans un réalisme trouble et servies d’une expressivité mutique, les premières œuvres de Stevie Dix déclinaient autant de manière de se présenter au monde. A l’instar de ces bottes compensées, à la fois sujet et objet, foulant au sol un bitume post-industriel embruiné au sein de The nearer the ground, the louder it sounds, sa première exposition à la GALERIE CHLOE SALGADO au printemps 2020. La quête de soi, d’un soi, apparaissait étroitement chevillé à une logique de distinction : comment, à partir des fragments culturels en présence, se confectionner une singularité. Distinction donc, au sens des usages que produisent, à partir de biens de consommation de masse, les consommateur.ice.s-producteur.rice.s qui inventent leurs « tactiques »1 personnelles de réappropriation des biens, espaces et signes qui s’imposent à elles et à eux.
Pour Stevie Dix, les accessoires, vêtements et autres objets d’usage du quotidien par lesquels chacun performe la quête d’une place sur la scène publique n’ont jamais simplement tenu lieu de référent métonymique. Certes, il en va d’une quête adolescente d’autodéfinition, trouble et violente, introspective et flamboyante ; de celles qui éludent le langage par éructation et jaillissent sur la toile par empâtement. Mais il s’agit également d’une quête ontologique plus profonde, et de la négociation picturale des espaces d’apparition eux-mêmes. La logique du fragment, du gros plan ou de la répétition, doublée de l’absence de la figure humaine tout autant que de la perspective monofocale, avaient jusqu’ici constitué procédés électifs de la peintre. Ceux-ci traduisaient la perte d’ancrage au sein d’un monde où les horizons collectifs se dérobent et les centres éludent – ces « espaces abstraits »2 d’un monde réduit à sa planéité, quadrillé par la circulation de capitaux.
Besides Ourselves, sa nouvelle exposition à la galerie, prolonge ce sentiment tout en l’amenant vers la recherche plus active d’un point de vue incarné. Ici, la figure fait retour : ce sont des visages hiératiques et frontaux, ou bien des profils anguleux et des silhouettes statiques ; en même temps que l’espace pictural lui-même se complexifie pour englober la coexistence de plusieurs plans, espaces et milieux. Ces personnages féminins, qui déclinent aussi une généalogie autofictionnelle transtemporelle – l’artiste, sa mère et sa grand-mère -- sont autant d’observatrices dont le point de vue dessine un nouveau centre. Elles sont les sujettes du regard, mais d’un regard médié : qu’il soit porté de l’intérieur vers l’extérieur, ou dans le sens inverse, le motif de la fenêtre dresse une cloison entre l’espace intime et l’arène publique, jusqu’à se retrouver parfois autonomisé en venant se substituer aux accessoires de présentation de soi.
Cet espace intérieur, c’est l’atelier : une chambre à soi, fragile hétérotopie où les lois en vigueur de la performance sociale sont un temps suspendues, autorisant l’expression d’une intériorité aussi fugace et vacillante que la lumière dorée qui sourd faiblement des fenêtres. A la logique de la distinction succède dès lors celle de l’individuation, telle que définie par Marielle Macé : « Singularités anonymes, moments fragiles d’un individu, qui impliquent avant tout une non-superposition, une tension, un débat entre les êtres et les styles qui les traversent, qui les animent sans les définir en propre, et qui peuvent aussi bien les quitter ».3 Depuis le système pictural de Stevie Dix, et son attention aux pans de l’expérience ordinaire, s’avance alors une redistribution des dichotomies entre capitalisme des formes et scripts subalternes, et plus largement, du politique et du personnel.
Il en va en effet de l’expression d’une socialité des émotions, rejoignant, répondant et réactualisant depuis le champ du visible l’exploration entreprise conjointement par une lignée de penseuses, de Lauren Berlant à Sara Ahmed, s’étant attelées à penser les émotions comme générant « l’effet même des surfaces et des frontières qui nous permettent de distinguer entre un intérieur et un extérieur en premier lieu ».4 Et si nous avons en partage, nous les vivant.es contemporain.es, le sentiment insidieux d’être désaxé.e.s, décentré.e.s, Stevie Dix dote cet affect flottant de ses formes : prolégomènes non pas à un recentrement, mais à une matérialisation des multiples manières non-hégémoniques de se vivre à la fois dehors du commun et lancé.e.s en quête de soi.5 »
Ingrid Luquet-Gad
1 Michel de Certeau, L’Invention du quotidien, 1. : Arts de faire et 2. : Habiter, cuisiner, Paris : Gallimard, 1990 (1re éd. 1980).
2 Henri Lefebvre, La production de l’espace, Paris : Anthropos, « Ethnosociologie », 4e éd., 2000.
3 Marielle Macé, Styles. Critique de nos formes de vie, Paris : Gallimard, « Nrf essais », 2016, p. 205.
4 Sara Ahmed, The Cultural Politics of Emotion, New York : Routledge, 2004, p. 10 [nous traduisons].
5 Cela serait l’une des possibles traduction du titre polysémique de l’exposition.
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Après une enfance à Genk, en Belgique, Stevie Dix (1990) déménage à Londres en 2010, et participe au cours par correspondance de la Turps Art School (2016-2017), dirigé par l'artiste Phil King. Elle déménage ensuite dans le Suffolk, où elle est restée quelques années, avant de rentrer à Genk en 2020, où elle réside actuellement.
Les huiles sur toile de Stevie Dix sont épaisses, non diluées, et composées selon un registre personnel, où les figures et les objets, disposés dans des compositions minimalistes, sont élevés au rang de symboles et évoquent des sentiments intimes.
Ses œuvres renvoient souvent à une période de la fin de son adolescence passée à Genk. "Piégée" dans cette petite ville autrefois industrielle, Dix passait le plus clair de son temps dans l'atelier de sa mère, où elle apprit à confectionner ses propres vêtements, à dessiner et à peindre. Tel une introspection à même la toile, Dix offre ainsi des réflexions sur la solitude, le passage à l'age adulte, et autres maux universels.
Stevie Dix présente sa première exposition personnelle, La Mauvaise Réputation, en 2016 à la galerie Collectiv National à Anvers. L’année suivante, en 2017, après une exposition personnelle à Londres, England I Love You, But You’re Brining Me Down à la galerie Rob Barton; elle présente deux expositions personnelles aux USA : Conceived In El Coyote, à The Cabin, Los Angeles, et Tennis Elbow, à The Journal Gallery, New York City. En 2018, elle présente encore deux expositions personnelles : Désert, à la Nevven Gallery, à Göteborg en Suède, et The Devil’s In The Details, à la L21 Gallery, à Palma de Majorque en Espagne. En 2020, elle présente sa première exposition personnelle en France : The Nearer The Ground, The Louder It Sounds, à la GALERIE CHLOE SALGADO; ainsi que Belgian Techno, sa deuxième exposition à la Nevven Gallery à Göteborg. En 2021, elle présente deux nouvelles expositions personnelles : Sad Girl Surrealism, sa deuxième exposition à la L21 Gallery à Palma de Majorque; et Magnesium à la Hannah Barry Gallery à Londres. Au premier semestre 2022, elle présente Tennis Elbow 96, sa deuxième exposition à The Journal Gallery, New York City.
Beside ourselves est la 12ème exposition personnelle de Stevie Dix, en l'espace de seulement 6 ans, et à tout juste 32 ans.