Première exposition personnelle à Paris –
MANOELA MEDEIROS
L'ÊTRE DISSOUT DANS LE MONDE
Du 17 mai au 22 juin 2019
Vernissage jeudi 16 mai 2019 de 18h à 21h
La GALERIE CHLOE SALGADO est heureuse de vous convier la première exposition personnelle à Paris de MANOELA MEDEIROS : L'être dissout dans le monde,
« La perception de l'espace est sans nul doute un phénomène complexe : l'espace est indissolublement perçu et représenté. A ce point de vue, c'est un double dièdre changeant à tout moment de grandeur et de situation : dièdre de l'action dont le plan horizontal est formé par le sol et le plan vertical par l'homme même qui marche et qui, de ce fait, entraîne le dièdre avec lui. » (Le mythe et l'homme, Roger Caillois, 1938)
L’exposition rassemble des peintures, sculptures et installations, et s’articule autour des relations ambiguës entre langage, nature et ruines.
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« Les recherches de Manoela Medeiros se concentrent sur les techniques de l’architecture envisagées comme des déplacements, la matérialisation des cycles et des écosystèmes, la construction d’une réalité complexe au sein de laquelle la distinction entre nature et culture disparaît au profit d’un dualisme vitaliste. L’humain n’est pas exclu du monde ou en contradiction avec lui. Il est le monde. Ses décisions, ses gestes et ses actions, en relation avec les autres êtres dessinent les limites de sa condition. Les recherches de Manoela Medeiros s’étendent de l’archéologie contemporaine à l’écologie solidaire, de la poésie de Manoel de Barros au perspectivisme amérindien de Eduardo Viveiro de Castro.
ACTION ARCHÉOLOGIQUE
L’archéologie n’est pas envisagée comme un thème mais comme une méthode de travail. Elle est une action, perçue et projetée dans un registre politique. Manoela Medeiros excave, explore, évide la matière urbaine. Les parois des immeubles, les murs intérieurs des espaces d’exposition ne s’opposent plus. Ce sont les mêmes supports de l’expérimentation. Ce qui est extrait de l’espace urbain se prolonge par des combinaisons de strates blanchâtres ou bigarrées, comme autant de façades superposées. Manoela Medeiros retient que « l’Histoire n’existe que parce qu’on la considère comme un objet discutable qui évolue avec l’état des connaissances actuelles ». L’archéologie apparaît ainsi pour elle, avec la fonction primordiale d’informer les conditions d’existence au présent. Elle est ce qui reste, ce qui perdure et ce qui transforme notre projection dans le monde. En regardant les strates révélées du passé, nous contemplons les variations de l’interprétation de notre propre quotidien. Manoela Medeiros ne contemple pas l’esthétique des dispositifs de l’archéologie dans une perspective rhétorique. Elle l’investie comme une action. Les excavations des murs et des parois supposent à la fois le geste performatif et l’installation qui restitue le processus de révélation. Manoela Medeiros invite ainsi l’espace du dehors à l’intérieur du white cube. De la même manière, ces excavations ouvrent des passages symboliques sur le passé des espaces clos. Derrière la peinture blanche, lisse, d’apparence propre et immuable, des strates successives de couleurs, de textures, de réalités passées s’additionnent et remontent à la surface. Tout est chargé des anecdotes et des réalités d’un passé largement inconnu. L’archéologie ne fige pas. Elle permet au contraire de modifier, de changer, de transformer la relation à l’espace. Pour Manoela, elle ne doit pas être rhétorique mais au contraire être mobilisée dans le sens d’une stratégie inclusive.
LA RUE, INTERCEPTÉE
L’œuvre de Manoela Medeiros s’inscrit dans plusieurs courants de l’art contemporain au sein desquels, sa position perturbe les vocabulaires et les registres. Inclusive, elle arbitre entre l’héritage de l’art conceptuel, le formalisme de la sculpture des années 1970 au Brésil et l’émancipation politique dans une perspective critique. L’intelligence limpide et sensualité des matières assemblées s’agencent dans des représentations urbaines. Le regard intercepte les ricochets des hallucinations de la rue. Ce que l’on voit, ce que l’on regarde vraiment, avec l’attention du passant curieux est un signe, une adresse. Ces micro-indices sont ensuite transfigurés dans les installations, les excavations, les peintures, les collages, les assemblages, prolongeant en fiction un monde dense et cosmogonique. Manoela vit entre l’Europe et le Brésil. Elle explore dans ses œuvres les réalités culturelles et sociales de la vie urbaine de continents éloignés et en connexion. Les registres esthétiques cohabitent et interagissent. La circulation entre les œuvres et les séries est marquée par un usage précis de matériaux et par la composition de motifs évocateurs d’un formalisme tenace.
LE MONDE, AVEC NOUS ET EN NOUS
Le cosmos tient une place centrale. Il est le point de départ à une réflexion sur l’anthropocentrisme, l’ambiguïté de la pensée cartésienne, le renversement des préceptes de la pensée moderne au profit d’une mise en relation des œuvres avec une dynamique de circulation, celle des cycles, des recommencements, des saisons nouvelles et répétées. « Je ne crois pas que nous existions dans le monde comme des êtres en plus, comme des éléments supplémentaires. Nous sommes ici, au même titre que les autres éléments. Nous n’existons pas plus ou moins. Nous sommes comme les choses qui nous entourent ». Les êtres, humains et non humains ne sont pas des surplus. Ils contiennent en eux les indices du monde et se déversent réciproquement dans un environnement avec lequel. Nous, humains, ne sommes pas non plus élevés à un rang plus élevé. Tout tient une place semblable, une présence égale dans l’œuvre de Manoela Medeiros. L’artiste envisage le monde dans l’interrelation permanente et la réciprocité des échanges, des énergies, des formes. L’être, humain et non humain, existe en lui et en dehors de lui-même. Le monde se disperse, se dilate, s’étend, se répand en nous, comme nous le traversons et le modifions. Plus nous accumulons les récits constitutifs de notre histoire personnelle, plus nous tentons de caractériser ce qui permet de créer des liens. Pour Manoela, les liens doivent être observés indépendamment de notre volonté de créer une cohérence entre notre histoire personnelle et le monde. L’artiste présente plutôt des versions alternatives de notre condition en réinvestissant l’aléa, le cycle, la forme comme autant de repères possibles dans la construction d’une projection personnelle dans le monde.
CE QUE LE CORPS PEUT, CE QUE LE CORPS VEUT
Le corps, ensemble de mots et de gestes frémit en relation à la fragilité d’un espace transitoire. Le plâtre peint, adossé à son support grillagé rassemble le geste performatif et la sculpturalité urbaine dans une formalisation subtile. Un autre espace de l’exposition est investi par la présence singulière d’une sculpture composée d’un assemblage de piques anti-pigeon dont les formes et les arrêtes rappellent par analogie les rames d’une plante. Cette circulation des formes, comme autant d’éléments représentatifs de la corporéité des espaces et des gestes s’élance dans le mouvement d’un cycle liquide dans une installation qui en est le pendant. Le corps, contraint ou animé par le désir vital est dessiné par les analogies et les rapports de force entre l’élément culturel et le mouvement naturel, dans la perspective d’un dépassement plus grand encore. Les paroles, comme les gestes, sont, comme l’évoquerait de Barros, sans limites. Cette expansion infinie des choses, prises et vues dans leur état initial et modelés dans des espaces transitoires projette l’individu dans une poésie pratique, celle du déplacement de l’être dans l’être-monde. »
Théo-Mario Coppola